Comme chaque année, la période des premières récoltes annonce le renouveau et suscite l’attente du côté des amateurs. En Chine, ce sont surtout les thés verts qui sont attendus lors des toutes premières cueillettes. Pour les paysans du thé, ce moment de travail intense représente un enjeux capital, puisque ce sont les thés récoltés avant Qing Ming qui seront vendus au meilleur prix (mieux vaut qu’il ne soient pas ratés !). Les aléas de la météo restent la préoccupation principale parce que, comme chacun le sais, le thé est un produit de la nature. De mauvaises conditions météo peuvent tout simplement compromettre la qualité du thé. Ainsi, les producteurs surveillent le ciel, les vents, l’humidité, avec l’espoir que les meilleures conditions soient réunies pour obtenir des thés de haute qualité.
Dans le triangle d’or des thés verts chinois (situé sur les provinces de Anhui, Zhejiang, Jiangsu et Jiangxi), l’hiver a été plutôt froid (ce qui est toujours une bonne chose), avec un épisode très froid et neigeux à la fin du mois de février et début mars, causant aux producteurs de thé une certaine inquiétude. Heureusement, cela n’a pas duré, et un temps particulièrement clément s’est installé. Les toutes premières récoltes ont donc débutées très tôt, aux alentours du 15 mars. Globalement, les conditions climatiques de 2014 ont été favorables pour les thés récoltés avant Qing Ming (Fête de la Pure Lumière, aux alentours du 5 avril). Les récoltes d’après Qing Ming s’annoncent aussi très bien, ce qui n’était pas le cas l’année dernière, puisqu’il y avait eu de fortes pluies (notamment dans le Zhejiang) jusqu’au 15 avril environ.
Les grands crus de thés verts sont très demandés sur le marché chinois, mais leur quantité reste toujours fort limitée. Dans les jardins prestigieux, seule la récolte de printemps est effectuée, souvent sur une période de deux à trois semaines (ainsi les théiers ne sont pas surexploités et ne donnent que le meilleur une fois par an. Cela permet aussi d’éviter le recours aux produits phytosanitaires). Et ces thés se vendent très rapidement ! Les amateurs chinois sont prêts à y mettre le prix, d’autant qu’il y a vraiment un regain d’intérêt pour les thés verts depuis quelques années (dans certaines parties de l’Est de la Chine, la mode des Pu’Er a tendance à s’essouffler).
Un phénomène est aussi a prendre en compte ces dernières années: certains paysans, dans les lieux de production célèbres (Long Jing, Bi Luo Chun…) fabriquent désormais des thés rouges pour plaire aux palais des touristes occidentaux, réduisant encore les quantités disponibles. Il faut dire que tous les producteurs ne jouissent pas d’une renommée extraordinaire, et que cela leur permet de vendre une partie de leur production à de meilleurs prix. Aussi, dans la province de Zhejiang, il devient de plus en plus difficile de trouver certains crus locaux dans leur version Ming Qian (premières cueillettes de l’année). C’est le cas pour le Qing Ding de Tianmu Shan par exemple. En effet, dans ce merveilleux lieu de production (à environ 130km de Hangzhou), on va d’abord fabriquer du Long Jing avec les premières feuilles récoltées parce que la demande demeure très forte pour ce thé. Donc, beaucoup de Tianmu Qing Ding sont fabriqués plus tard (période Gu Yu). Et puis, cela soulève encore et toujours le problème du cru fabriqué en dehors de son terroir d’origine.
D’autre part, les grands crus cueillis avant le 5 avril ne sortent habituellement pas du territoire chinois, surtout ceux produits par des paysans particulièrement talentueux et reconnus. La seule manière de s’en procurer reste bel et bien de se trouver au bon endroit et chez le bon producteur, suffisamment tôt pour avoir le choix entre telle et telle cueillettes, effectuées à quelques jours d’intervalle et pourtant si différentes ! Chaque année, dans les instituts de thé, les spécialistes se réunissent pour goûter et juger les nouvelles productions des paysans. Les notes attribuées aux différents thés présentés déterminent les prix qui seront pratiqués, et influencent grandement la réputation des producteurs.
La finesse et la grande vitalité qui caractérisent les thés verts Ming Qian de qualité restent inimitables. C’est aussi pour cela qu’ils sont les plus recherchés, car selon les critères des spécialistes chinois, un thé vert de haute qualité doit offrir la beauté, la fraîcheur, et la délicatesse. En revanche, ce n’est pas parce qu’un thé a été cueilli avant la Fête de La Pure Lumière (Qing Ming) qu’il est forcément bon.
En cette année 2014, je suis particulièrement heureuse de constater qu’il y a de plus en plus jeunes cueilleuses dans les jardins de thé. En effet, ce travail difficile et demandant un savoir-faire précis peut rebuter les jeunes générations qui préfèrent souvent tenter leur chance dans les grandes villes. Mais finalement, rien n’est jamais joué en Chine, et on peut être surpris par la tournure que les choses prennent. Il est important que le thé reste cueilli à la main par des personnes qualifiées et motivées…
Cette année encore, il se vendra deux fois plus de thés Ming Qian qu’il ne s’en produit ! Phénomène que l’on peut déplorer, mais qui reste très courant dans le thé. Un amateur éclairé devrait toujours en avoir conscience.
Globalement, les producteurs sont satisfaits cette année, aucun problème majeure ne s’étant présenté. Et c’est tant mieux, nous allons pouvoir profiter de toute la fraicheur printanière de thés verts de grande qualité pour recharger nos batteries ! En effet, les Chinois considèrent que les premiers thés verts de l’année sont très chargés en propriétés pour la santé, et qu’ils permettent de se purifier et de se revitaliser. Mais attention, ils disent aussi que consommés en trop grande quantité, ces thés, grâce à leur action drainante sur le foie, risquent de faire sortir de ou trois boutons ! Et c’est vrai, je peux en témoigner.
L’ambiance qui règne dans les jardins de thé au moment des nouvelles récoltes est joyeuse, fraîche et ensoleillée, légère et empreinte de dynamisme. Le travail s’effectue dans la concentration et la sérénité. Et bien qu’il soit difficile, la joie et les rires remplissent l’atmosphère. Les azalées, magnolias, camélias rouges, et autres bijoux floraux illuminent les camaïeux de verts tendres offerts par la nature. La renaissance, les théiers qui bourgeonnent, le chant des oiseaux au petit matin, les brumes traversées d’une douce lumière : en un mot, le printemps.
4 commentaires sur “Chine : quelques nouvelles des thés verts nouveaux”
vacuithe
Vivement que ces superbes feuilles vertes arrivent jusque dans mon gaiwan !
Merci Charlotte pour tes billets.
Charlotte Billabongk
C'est en très bonne voie !
David
Un immense merci pour toutes ces info qui donnent une bien meilleure idée de la situation sur place. Et sinon, ben comme Sébastien 😉
Charlotte Billabongk
Mais de rien, c'est avec plaisir que je partage ces quelques infos.
Il semblerait que tous ces bons thés soient très bientôt entre vos mains…