Le terme Gong Fu (Kung Fu) évoque tout d’abord la maîtrise, la connaissance par la pratique d’une discipline ou d’un rituel. Il a d’abord été banalisé en occident à travers les arts martiaux chinois. En Chine ce terme revêt une complexité certaine et se teinte de nuances subtiles selon le contexte. Dans le domaine du thé, la notion de Gong Fu sous entend une dimension artistique dans la pratique d’un rituel de préparation du thé. Comme d’autres techniques de préparation, on considère le Gong Fu Cha comme une véritable cérémonie lorsqu’il est pratiqué selon des règles précises et qu’un certain degré de réalisation est présent, dans l’esprit de la Voie. Mais la Voie et ses pratiques restent toujours nimbé de mystère. La tradition se fonde sur la transmission orale qui revêt presque toujours une dimension secrète. Toute cette connaissance ne se montre pas et ne se transmet pas au premier venu. Voilà qui illustre bien la complexité de la pensée chinoise et explique, en partie, qu’elle ne soit pas toujours comprise. Néanmoins, l’apprentissage des cérémonies reste une affaire très sérieuse et demande une rigueur et une détermination à toute épreuve.
Il existe différentes formes de Gong Fu Cha qui résultent des traditions locales et des personnes qui les pratiquent. Ce rituel traditionnel permet la préparation des thés wulong, même si la pratique fut étendue et adaptée à d’autres types de thés. La complexité des techniques fait référence à la complexité dans les étapes de la fabrication des wulong. Les plus connus sont les Gong Fu du Fujian, de Taiwan, et de Chaozhou. Il ne faut pas oublier que ces rituels peuvent être de véritables cérémonies comprenant des codes très précis. Les accessoires utilisés ne sont jamais placés au hasard, de même que chaque geste ne s’opère pas sans raison (le symbolique, le pratique, et l’esthétique). En occident, on constate que la rigueur et l’implication dans la cérémonie japonaise Cha No Yu ont été admises, alors que celles des cérémonies chinoises restent souvent ignorées. Pourtant, des règles bien précises définissent bel et bien un Gong Fu Cha ou toute autre cérémonie. Si elles sont transgressées, on ne peut plus considérer que le rituel soit.
Toute cérémonie de thé demande un entrainement sérieux, une implication totale dans la répétition des gestes pour atteindre la fluidité, le naturel, et la spontanéité. Des années de travail sont nécessaires pour exprimer l’esprit du thé et se libérer de la technique pure qui occupe l’intellect dans les premiers temps de l’apprentissage. Une discipline demande toujours un dépassement de la technique.
J’ai souvent l’impression que la notoriété de la cérémonie japonaise Cha No Yu occulte l’existence des cérémonies chinoises, mais aussi coréennes, qui restent vraiment méconnues. En Occident, la connaissance du thé a énormément évoluée ces dernières années, et on ne peut que s’en réjouir. Il reste toutefois de nombreuses incompréhensions et idées reçues…
Certaines cérémonies chinoises ne sont presque plus pratiquées aujourd’hui, si ce n’est pour leur valeur historique. Celles qui sont pratiquées de nos jours datent souvent de la dynastie Ming, et expriment un haut degré de raffinement amorcée depuis la dynastie Tang, et développé sous les Song. Tout rituel de thé comporte les dimensions: historique, culturelle, esthétique, artistique et spirituelle. Une simple technique de préparation, aussi importante soit-elle, ne peut être considérée comme une cérémonie en tant que telle. La diversité des cérémonies reflète parfaitement la richesse culturelle et historique de la Chine. On en recense des dizaines qui peuvent être classées selon trois critères: la période historique, la région d’origine, et les populations (y compris la classe sociale). Les plus connues sont:
Cérémonie Chan
Cérémonie Taoiste
Cérémonie des Lettrés
Cérémonie des Paysans
Cérémonie Impériale
Cérémonie de la Noblesse
Cérémonie Gong Fu Cha
Cérémonie Wu Wo
Etc…
Les rituels chinois ont directement donné naissance aux cérémonies coréennes et japonaises (les coréennes ayant aussi beaucoup influencé les japonaises, fait historique pour le moins ignoré). Quant à l’Occident, il découvre tout d’abord le thé totalement en dehors de cet esprit artistique et spirituel. Finalement, c’est par l’intermédiaire du Japon que cette dimension sera mise en lumière aux Etats Unis et en Europe. C’est surement pourquoi son image reste très ancrée dans les esprits. Aujourd’hui, l’essence originelle du thé peut s’exprimer de plus en plus, au delà des croyances anciennes.
N’oublions donc pas que toute cérémonie de thé prend sa racine en Chine, de même que la culture du thé en général. Et cette culture solide, fondée sur plusieurs milliers d’années d’histoire, repose paradoxalement sur la discrétion, l’ humilité et le mystère qui font sa force, mais qui peuvent aussi susciter une certaine incompréhension. Les codes utilisés lors d’un rituel évoquent la richesse culturelle et historique, et délivrent toujours un message implicite. La perfection naturelle du geste revêt une importance capitale dans les pays de culture du thé comme la Chine, la Corée et le Japon, même si elle l’exprime de manières différentes.
La connaissance et la compréhension du thé peuvent atteindre de nouvelles profondeurs et offrir de nombreuses perspectives…
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