La crête blanche de coq, un Yan Cha atypique.
Voilà un thé qui mérite qu’on s’y attarde, car il ne peut être comparé à aucun autre. Les thés wulong de la montagne WuYi sont nombreux, et représentent déjà un genre bien spécifique grâce à leur terroir, leur environnement, et leur climat exceptionnels. Certains de ces fameux thés de rochers sont parmi les plus connus en Chine, et dans le monde. Le type Da Hong Pao reste le plus célèbre et le plus demandé (on en trouve donc de toutes sortes, le meilleur comme le pire). Le Bai Ji Guan, lui, se distingue surtout par sa singularité et sa rareté. Bien qu’également célèbre, il demeure plutôt méconnu, notamment en Chine, où il touche surtout un publique de connaisseurs pointus. Bref, il n’a pas encore été victime de la frénésie d’un effet de mode. Comme pour la plupart des thés chinois, son nom fait référence à une légende… que je ne raconterai pas ici.
Le cultivar Bai Ji Guan se différencie de manière très nette, par des sommités de couleur jaune clair (d’où la référence à la couleur blanche dans son nom : bai), remarquable aussi par la manière dont ces jeunes pousses s’élancent vers le ciel. On ne peut donc pas confondre le théier BJG avec un autre. Il est important de savoir que sa culture, et surtout, sa fabrication, demandent un savoir-faire particulier, très délicat. Tous les producteurs n’ont pas la maîtrise nécessaire, et n’en produisent donc pas, ce qui explique, entre autre, sa rareté. Autre facteur expliquant la rareté : les théiers BJG sont peu nombreux par rapport aux autres variétés de WuYi, de plus, ils sont cultivés dans le secteur Tian Xin Yan, une des zones de culture les plus réputés et restreintes.
Généralement fin avril, début mai, on récolte un petit rameau comprenant 3 jeunes feuilles, lorsque le bourgeon vient de s’épanouir (ce qui représente la cueillette classique à WuYi Shan). Dans le cas d’un BJG, la feuille la plus jeune sera la plus claire. On retrouvera bien sûr cette couleur caractéristique sur les feuilles après fabrication (feuilles sèches donc), et plus encore, après infusion. La feuille infusée, très claire, porte la marque de l’ oxydation sur son pourtour dentelé, d’une couleur rougeâtre. Parmi les Yan Cha, BJG représente une véritable exception à de nombreux égards. Il porte toutefois la vibration si particulière des thés de rochers de WuYi.
Cependant, le Qi de Bai Ji Guan est aussi un point qui le différencie des autres. On est dans un registre à dominante Yin, avec des sensations délicates et douces, dans une énergie féminine, bien que non dépourvue de chaleur. Dans son ensemble, ce thé offre un raffinement empreint de nombreuses subtilités.
La liqueur est très claire pour un Yan Cha, jaune d’or, pure et éclatante. Elle dévoile un parfum d’une grande finesse, tendre et enveloppant. En bouche, la liqueur glisse délicatement, développant des notes poudrées, florales et minérales. Sa texture veloutée tapisse la gorge et descend dans le corps avec beaucoup de légèreté, induisant un grand bien-être.
Pour la préparation des WuYi YanCha, j’aime beaucoup utiliser un zhong, qui permet de bien profiter de tous les aspects du thé. Néanmoins cette fois, j’ai décidé de sortir une théière en porcelaine, et une Yixing, histoire de comparer les deux, simultanément (je ne développerai pas pour autant de longues théories à ce sujet). Le BJG que je déguste aujourd’hui est le fruit du travail authentique et minutieux de M.Wang, véritable artiste des Yan Cha (que j’ai déjà évoqué : article Yan Cha 198).
Feuilles de BJG dans l’eau froide, après infusions |
Avec des feuilles de cette qualité, on peut se permettre de nombreux paramètres d’infusion : le résultat reste délicieux. Pour ma part, je privilégie quand même un dosage généreux avec un temps d’infusion très court, voir inexistant (et alors là, on peut facilement obtenir une dizaines d’infusions et une explosion de saveurs). Mais j’ai aussi tenté, pour ce BJG, un peu moins de feuilles et une infusion plus longue. Les deux versions fonctionnent très bien.
De même, ce thé est excellent, que se soit en théière Yixing ou porcelaine. Bai Ji Guan aura exprimé toute sa délicatesse, mais aussi sa profondeur, dans les deux cas. Avec la terre, il y ce “je ne sais quoi” , comme toujours, cette alchimie si particulière.
Les feuilles infusées ont une texture souple, presque élastique. A WuYi, on les place dans un bol d’eau froide pour mieux les observer. Cela leur permet de bien se déployer.
Sphère de citrine et liqueur de BJG |
Ce Bai Ji Guan aura duré tout l’après-midi, apportant une sensation relaxante en dénouant les tensions musculaires. Il rafraîchit et aiguise l’esprit. Son after-taste dure si longtemps, qu’on ne peut l’oublier. Ce Yan Cha exprime sa puissance avec une délicatesse unique. Les wulong de WuYi sont vraiment riches en émotions. Quel délice !
16 comments
Unknown
Article très intéressant et photos magnifiques. Cela donne bien envie de déguster un tel nectar …
Tu en as suffisamment pour en céder quelques grammes ?
amitiés
tantameno
Unknown
Superbes feuilles et bien belles tasses.
Est il vraiment nécessaire de faire le voyage pour mettre la main sur ces merveilles ou peut on trouver de bons fournisseurs sur le net ?
Charlotte Billabongk
Merci. Heureuse que tout cela vous plaise. Ce BJG est vraiment irrésistible !
Tantameno, tu connais mon e-mail (charlotte.billabongk@gmail.com), mais mes stocks de BJG sont sur leur fin. Cette année, je serai à WuYi au moment des récoltes pour refaire le plein.
Romuald, tu fais allusion aux tasses jaunes ? Pour ce qui est des fournisseurs sur le net, je ne peux pas vraiment t'éclairer. Mais il est difficile, en effet, de trouver du BJG authentique sans se rendre sur place. On pourrait peut-être échanger quelques feuilles ?
A plus tard…
Unknown
Oui les tasses jaunes. Cette couleur m'intéresse assez car elle est difficile à utiliser.
Ce serait avec plaisir pour des échanges. Je vais voir ce que j'ai d'intéressant dans mon stock.
TeaMasters
Belles photos et belle description d'un de mes Yan Cha préféré! J'ai pu en boire il y a 10 jours, infusé en théière en argent avec très peu de feuilles. 3 infusions seulement, mais quelle pureté et quel raffinement!
Bonne Nouvelle Année Charlotte!
Charlotte Billabongk
Romuald, qu'est-ce que tu entends exactement par "difficile à utiliser" ?
Merci Stephane. Bai Ji Guan est aussi l'un de mes préférés… Je n'ai encore jamais testé une théière en argent, mais j'imagine quelle liqueur sublime on doit obtenir avec un thé aussi délicieux.
Je te souhaite aussi une très belle année 2013.
Unknown
Je veux dire que ce n'est pas une couleur avantageuse pour les céramiques. C'est une couleur qui peut vite devenir trop acide, verdâtre ou fade.
Charlotte Billabongk
D'accord, j'ai compris cette fois ! Et en plus, c'est tout à fait juste. Les tasses jaunes que j'utilise ici ont été fabriquées à Jingdezhen. Leur couleur n'est vraiment pas mal réussie, et les dragons gravés ont une allure vivante qui donne à l'ensemble un joli relief. Je les utilise depuis de nombreuses années (elles ont aussi connues beaucoup de session en extérieur, où leur beauté se pare d'un éclat incomparable), et malheureusement, elles sont presque toutes ébréchées ! Enfin, cela ne m'empêche pas de m'en servir, et avec plaisir.
David
Très belle description que je lis après avoir dégusté hier un Bai Ji Guan également, celui dont Romuald a parlé récemment. Très belle longueur, superbe équilibre.
Charlotte Billabongk
Le BJG dans l'article de Romuald est très intrigant. En effet, il parait très foncé, tant au niveau des feuilles que de la liqueur. Est-ce que quelqu'un aurait des infos sur cette particularité ?
David
Les feuilles de la version 2011 sont plus claires que celles de la version 2010, moins oxydées et torréfiées. C'est clair que tes feuilles ont l'air albinos à côté. J'en ai jamais vu d'identiques, mais je ne connais que le BJG d'EoT et celui de la m3t.
Charlotte Billabongk
Pour moi, c'est tout le contraire, je n'ai toujours vu que des BJG aux feuilles claires. Il faut dire que cela fait parti de ses caractéristiques, puisque le cultivar BJG présente des sommités vraiment très claires. La fabrication est justement très délicate pour préserver cette couleur. Mais, il y a peut-être une raison pour que les feuilles soient plus foncées (je n'ai pas trouvé d'explications concernant cela sur le site EoT). Je ne sais pas. Et c'est vrai qu'au final, ça me surprend.
David
Et tu as raison. J'ai lu pas mal de choses depuis mon dernier message, et un Bai Ji Guan devrait ressembler à ce que tu nous montres. Il faudrait poser la question à Nada à l'occasion. J'essaierais d'y penser la prochaine fois que je lui enverrai un message, et viendrai poster les infos recueillies ici.
Charlotte Billabongk
OK. Super.
David
"With the Bai Ji Guan, it really depends on the level of oxidation & roast. The leaves on the plant are quite yellowish and some producers process it very lightly – without much oxidation and very lightly roasting it. It all depends on the preference of the farmers. Ours is oxidised and roasted a bit more. I think this is the more traditional method, though I'd need to check this point for sure.
The name comes from the light colour of the leaves as they are growing and the serrated edge looking like a "White Cockscomb"."
Charlotte Billabongk
Merci d'avoir publié cet avis.
D'après mes sources, la méthode traditionnelle pour les Bai Ji Guan est plutôt oxidation moyenne, et légèrement roasted. Alors, c'est vrai, chaque producteur fait comme bon lui semble. Et d'ailleurs, les paysans de WuYi sont particulièrement enthousiastes lorsqu'il s'agit de tester différentes manières de procéder lors de la fabrication…
Passionnant tout cela.