Un thé préparé avec soin et attention, ne peut être dégusté “à la va vite”, il mérite au contraire un égard particulier. On prolonge donc naturellement l’attitude sereine de la préparation, lors de la dégustation. Nous nous ouvrons alors, devenons totalement disponibles pour recevoir ce que le thé nous offre.
Les circonstances d’une dégustation sont très importantes. Quelles en sont les raisons?
1°) Pour le plaisir
2°) Pour le partage
Ces deux là peuvent être mêlées et il va sans dire que ces raisons en regroupent d’autres…
3°) Pour choisir, lors d’un achat personnel
4°) Pour choisir, en tant que professionnel, lors de l’élaboration d’une sélection
On comprend ici, qu’il y a une notion de jugement. Cette dimension change beaucoup de choses, et implique de s’investir d’autant plus.
Remarque:
Pour apprécier un thé, il faut parfois du temps, et donc plusieurs dégustations. Lorsqu’on semble ne pas aimer un thé, il faudrait toujours lui donner au moins une deuxième chance (si cela est possible). Et, en général, il est difficile de comprendre un thé en une seule fois.
Mais dans tous les cas, notre état d’esprit reste absolument déterminant. Calmes, détendus et réceptifs, nous pouvons savourer tranquillement. J’emploie le terme savourer pour insister sur le fait qu’il faut déployer une concentration certaine, ainsi qu’un esprit clair et vif. Pour parvenir à cet état, on fait appel à ses sens:
1°) L’ouïe n’est pas le premier sens auquel on pourrait penser. Néanmoins, il ne doit pas être négligé lors d’une préparation-dégustation, puisqu’il permet, par exemple, de vérifier le stade de frémissement de l’eau dans la bouilloire. On reste donc ouvert aux différents sons.
2°) La vue concerne bien sur le thé lui-même, mais aussi les accessoires utilisés. On observe tout, dans les moindres détails.
3°) L’odorat permet de capter de nombreuses informations. Pour les chinois, il représente un aspect capital, puisque les parfums du thé sont considérés comme étant aussi importants que les saveurs.
4°) Le toucher, en ce qui concerne le thé lui-même, fait surtout référence à la texture de la liqueur lorsqu’elle entre en contacte avec la bouche, la langue, le palais, puis la gorge, et ainsi de suite. Mais le toucher est également sollicité lorsque nous avons les différents accessoires en main. Il peut aussi arriver que les feuilles sèches entrent en contact avec notre main, nos doigts.
5°) Le goût, comme une évidence, est certes, très important. Il ne doit cependant pas occulter les autres sens.
6°) Au delà des sens physiques, il y a l’intuition, le ressenti qui donne accès à bon nombre d’informations. Le fait d’ouvrir ses cinq sens favorise une concentration qui permet d’être pleinement attentif et réceptif à son ressenti, dont l’importance ne devrait pas être négligée.
“Quand vous buvez le thé, savourez le pleinement, sinon son parfum se dissipera”. Cette célèbre phrase de Lu Yu résume parfaitement tout ce qu’il y a à savoir en matière de dégustation. Pour arriver à cette implication, on peut agir sur les éléments extérieurs. Par exemple, un lieu calme, propre et silencieux favorisera naturellement la concentration, d’ailleurs, lors d’une dégustation professionnelle, le cadre est très important (murs clairs, dans les tons de blanc, beaucoup de lumière, atmosphère calme, etc)… Quoi qu’il en soit, l’attention juste devrait toujours être appliquée lors d’une dégustation, quelle qu’elle soit pour le plaisir ou pour effectuer un choix.
Comment juger un thé, en règle générale?
Au delà des goûts personnels de chacun (et en faire abstraction n’est pas un exercice facile), certains critères permettent d’évaluer le niveau de qualité d’un thé. Ces critères peuvent comporter des variantes, selon les familles de thé et leur provenance. Il faut donc savoir s’adapter à chaque cas. N’oublions pas que l’état intérieur, ainsi que l’état de santé de celui qui juge restent déterminants. De même, la personnalité influence les critères de sélection.
Les donnés “externes”:
On observe les feuilles de thé, leur couleur, leur aspect et texture, leur état (entières, cassées, brisées). Selon les familles de thé et leur provenance, on ne recherche pas toujours les mêmes choses. Pour les thés verts de Chine par exemple, les feuilles devraient être de couleur assez homogène, jamais ternes, bien formées, plutôt régulières (en tenant compte du type de fabrication).
L’aspect des feuilles sèches est très important, de même que les feuilles infusées (infusion) laissent apparaître de nombreuses informations sur la cueillette, les conditions météo, etc.
Les données “internes”:
Le parfum (les spécialistes accordent autant d’importance au parfum qu’au goût)
La couleur, la texture, l’éclat… de la liqueur
Le goût, qui doit toujours être agréable au palais et concentré en saveurs. On observe bien sur la longueur en bouche. Les thés ayant un pôle dominant comme: âpre, amer, astringent, très fort, sont souvent considérés comme étant de mauvaises qualités.
L’infusion (les feuilles infusées), doit être observée dans les moindres détails car elle peut révéler des défauts.
Ce sont donc les principaux critères à vérifier lorsqu’on juge un thé. Il faut se concentrer pour faire preuve de précision. La rigueur, la précision et l’implication restent indispensables. Lors d’une dégustation professionnelle, les thés sont préparés selon des standards très précis, qui permettent d’offrir des conditions identiques pour chaque thé.
Lors d’une dégustation pour le plaisir, il n’est pas toujours utile de déployer tout son esprit critique. On peut simplement apprécier le moment, justement sans jugement, savourer le thé, juste savourer le thé, et rien de plus. On profite ainsi pleinement, en expérimentant par soi-même ce que Lu Yu voulait communiquer… Avec un esprit clair et sans détours, on peut recevoir ce qu’un thé a à offrir. Il ne faut pas oublier qu’avec une attitude distraite et dispersée, un mental bruyant, on peut complètement “passer à côté” du thé.
On peut aussi déguster le thé comme un exercice de pleine conscience, dans l’esprit de la Voie. On est alors attentif au rythme de ses respirations, on ralentit sa gestuelle, et on vit chaque instant de manière intense. Comme si chaque cellule de notre être s’imprégnait du thé. De cette manière, il est possible de découvrir de nouvelles profondeurs, dans le thé, et en soi-même.
2 commentaires sur “Déguster”
Paul
Cette vision très intéressante de la dégustation peut parfois sembler incompatible avec une vie très active. Cependant j'ai toujours réussi à me ménager des petits moments hors du temps, même entre deux biberons…
Profiter pleinement du thé, comme de la vie, pour ne pas passer à côté.
C'est essentiel.
Merci pour ce bel article et pour tous les autres aussi.
Charlotte Billabongk
C'est vrai, les mille activités du quotidien auraient tendance à prendre le dessus. Voilà pourquoi, il faut que les instants thé soient considérés comme indispensables (de la même manière que l'on se brosse les dents, par exemple). Si chaque jour, on souhaite consacrer du temps au thé (une demi heure peut suffire), il faut de la détermination pour décider que cela représente un moment vital…
Merci.