Parfois, je m’interroge sur certaines pratiques qui existent dans le monde du thé occidental. Par exemple, il y a quelques temps, je suis tombée sur un article dans la presse féminine. Il était question d’associer certains fromages français (notamment de caractère) avec des thés chinois (wulong, vert, et même blanc). Ma première réaction : “on nage en plein délire !” Franchement, n’a-t-on rien trouvé de mieux ? Deuxième réaction : “on a surement rien trouvé de mieux pour faire parler de soi…” Certes, comme stratégie publicitaire pour plaire aux français, c’est vraiment bien trouvé. Mais à part ça, y a-il un intérêt ? Voudrait- on, encore une fois, que le thé soit comme le vin ?
J’aime le thé pour ce qu’il est. Et je ne suis pas certaine que le fromage soit le produit idéal pour mettre en valeur ses arômes et ses parfums. D’autre part, j’aime aussi le fromage, mais sans thé de préférence. Surtout pas de magnifiques crus dont les subtilités pourraient se perdre dans les méandres des “fragrances”, souvent soutenues (il faut bien le dire), de fromages, pourtant délicieux par ailleurs. Autrement dit, pour moi, rien que l’odeur du fromage représente déjà une sacrée interférence lors de la dégustation de thé. J’ai du mal à voir comment l’un pourrait sublimer l’autre (mis à part quelques exceptions, peut-être).
Mon expérience en Chine, m’a clairement montré que le thé s’associe principalement avec des nourritures délicates (de même au Japon). Logique : on cherche à apprécier les saveurs et les senteurs du thé pour elles-mêmes. Parce que, ce qu’on aime dans le thé, c’est le thé. Au fil des années, le palais s’affine, et devient plus sensible. Personnellement, avec le temps, j’ai de plus en plus besoin de saveurs authentiques, et je fuis naturellement les combinaisons hasardeuses.
Je n’ai rien contre les innovations. Mais en l’occurrence, thé et fromage n’a rien d’une innovation. J’ai plutôt l’impression qu’on se contente de transposer un “schéma vin” au monde du thé. Et j’ai vraiment le sentiment que tout cela sonne faux. Je ne suis pas sûre que la notion de respect soit bien observée dans ce cas, surtout si le but est de se faire de la publicité. Enfin voilà, c’est le genre de pratique qui me dérange dans mon fort intérieur, même si parfois, je cherche des raisons d’y croire. Mais je fini toujours par penser que la société dans laquelle nous vivons passe à côté de l’essentiel.
La liberté reste une valeur fondamentale pour moi, et j’ essai de cultiver l’ouverture d’esprit et la tolérance. Malgré cela, certaines choses arrivent encore à me rendre mal à l’aise, notamment dans le domaine du thé, pour lequel j’ai un profond respect. Le thé est une plante millénaire dotée d’une énergie forte et universelle. Elle ne devrait pas être sujette aux “tendances” futiles qui servent certains égos dans leur soif de business et de reconnaissance.
Bien sur, je ne souhaite blesser personne. Je donne simplement mon avis. Mais je trouve qu’il y a surement d’autres moyens pour faire parler du thé… Les “coups de gueule” ne sont pas dans mes habitudes, mais la complaisance non plus. Et au fond, tout cela n’a pas grande importance. Mais ça fait quand même du bien de dire ce que l’on pense.
8 comments
vacuithe
Bien dit !
Bon, tant que je n'en aurais pas fait l'expérience, ces accords thés/fromages resteront pour moi plutôt douteux, mais difficile de dénigrer sans avoir essayé. J'aime beaucoup le fromage, les fromages, tous les fromages, avec du pain, parfois du beurre, et surtout du vin !! A tel point que quand je bois certains vins (les rouges de Loire par exemple), j'ai comme la goût du fromage en bouche tellement c'est indissociable dans mon esprit.
Alors un Comté avec un Baozhong, c'est sûrement intéressant, un Chavignol avec un sencha pourquoi pas, mais y'a du boulot pour arriver au niveau d'un bon duo crottin / Chablis ^^
Dom
Que de logique et de bon sens!
Comment arrêter les idées marketing un peu douteuses? Il ne suffit pas de lancer une passerelle entre fromage et thé pour soudainement voir la culture du thé Chinoise investir les caves de Roquefort. Confidence pour confidence, je mange régulièrement en buvant du thé mais je n'ai pas encore trouvé d'alliance qui m'ai retourné les sens. Pour moi l'association gagnante avec le fromage c'est celle du vin et pas forcément d'un vin rouge.
Unknown
Alors là, je bois du petit lait si je puis me permettre ! J'ai déjà tenté l'expérience et franchement, rien que l'odeur du fromage m'a indisposée et m'a empêchée de percevoir toutes les subtilités du thé. Je reste donc très perplexe quant à la finesse du palais des "experts" qui proposent ce genre d'alliance …
Fabien
🙂
Oui, ça méritait d'être relevé, depuis le temps qu'on voit fleurir ces "ateliers". Mais après tout, nous ne sommes pas vraiment un pays de Thé et je pense que ces "associations" malheureuses sont la plupart du temps l'expression de la "pauvreté" de certains marchands dans leur appréciation de ce vaste univers qui tourne autour du thé. J'ai l'impression qu'ils essayent d'attirer des clients vers le thé (en terme de vente bien sûr) à travers le fromage plutôt que de réellement les intéresser au thé en lui-même.
Maintenant, en jouant l'avocat du diable, est-ce que cela n'attirerait pas de nouvelles personnes vers le thé?
Non, on est bien d'accord, c'était juste pour la forme! Enfin, en tout cas, le fromage me semble vraiment inadapté comme approche du thé. Par contre se pose la question suivante : comment intéresser nos compatriotes (et les occidentaux que nous sommes en général) au thé? Et là je parle plutôt des thés purs… Nos blogs sont une de ces entrées mais il faudrait en trouver d'autres. Y'a du boulot!
Mais je serais quand-même bien intéressé par le retour de personnes ayant participé à ce genre de manifestations.
Charlotte Billabongk
Que de réflexions intéressantes !
Et je constate que je ne suis pas la seule à me poser des questions sur certaines pratiques douteuses dans le domaine du thé en Occident… mais que faut-il faire ?… Finalement, si j'ai publié un tel billet, c'est un peu pour dire "STOP" à ces modes ridicules. Même si la connaissance du thé a beaucoup évolué ces dernières années, il y a en effet, encore du boulot…
Hécate Lomëwen
Pour avoir testé des associations entre des thés et des fromages (les deux de qualité), il y a des choses intéressantes j'ai trouvé.
Un chèvre pas trop affirmé est très bon avec un sencha, un thé vert chinois avec du beaufort aussi, voire du kukicha avec du fromage frais. L'avantage du thé, c'est qu'il est au moins tiède voire chaud et va permettre au fromage de développer des saveurs plus affirmées, ça m'a d'ailleurs bluffé pour un Stilton (bleu anglais) !
Après il est vrai que le thé rend plus service au fromage que l'inverse, mais c'est une expérience pas inintéressante. Surtout pour les gens qui n'aiment pas le vin, surtout rouge, comme moi.
Après, c'est vrai que mon thé nature, je le préfère nature !
On mange bien des muffins, scones et autres avec du thé au teatime, pourquoi pas du salé ?
Après c'est sûr qu'en France, on a une grosse tendance à "déguster" le thé comme on ferait avec du vin, c'est une dérive nationale un peu dommageable, mais si elle peut amener des personnes au thé, qui apprendront à l'apprécier pour lui-même pourquoi pas !
NB : je suis une consommatrice de fromage très modérée, contrairement à ma grande consommation de thé (je bois tous les jours du thé alors que je peux passer des jours voire des semaines sans manger de fromage (l'emmental sur le gratin ne comptant pas dans ce décompte, je parle de "vrais" fromages).
Charlotte Billabongk
Je n'ai rien contre le fait de manger avec le thé, que ce soit du salé ou du sucré. Mais il y a une grande différence entre l'appréciation du thé dans le cadre d'un tea time issu de la tradition anglaise, et l'appréciation du thé telle qu'elle est vécue en Chine, au Japon ou en Corée. Dans ces pays, le thé est vraiment au centre de la dégustation, et si nourriture il y a, celle-ci se fera discrète, fine et délicate, qu'elle soit salée ou sucrée.
Le vrai fond du propos de cet article, est bien de montrer qu'en France, cette approche du thé par le biais du fromage reste avant tout une stratégie commerciale qui révèle un certain manque de compréhension du thé. Personnellement, je trouve cette approche maladroite, mais cela n'engage que moi. Etant touchée par, et immergée dans la culture chinoise du thé, ce genre de pratique ne peut que me dérouter…
En tout cas, merci de prendre la peine de partager ton expérience ici.
Hécate Lomëwen
Appréciant les thés d'origine, je comprends très bien ce qui te gêne dans ce type d'approche. Je la partage en partie d'ailleurs, pour ma part je suis plus attirée par le versant japonais.
Cependant, même si ça a une version marketing, l'approche du thé un peu comme celle du vin a sans doute le mérite de parler à des gens qui ne s'intéressent pas au thé de prime abord, pour qui cela va permettre des découvertes. Un peu comme quand on commence à boire du thé en vrac, souvent on commence par les aromatisés et non par les grands crus 😉
En tout cas, dans mon entourage, cette approche un peu oenologique m'a permis de toucher plusieurs personnes au thé. Mon oncle par exemple est un oenologue amateur averti, boit du Earl Grey en sachet régulièrement. Pour certains aspects, nous avons le même langage et je lui ai fait découvrir des thés d'origine qu'il a apprécié mais n'aurait jamais franchi le pas seul…
Bien sûr le thé a une dimension spirituelle et culturelle, que je trouve bien plus restreinte avec le vin (que je ne consomme pas d'ailleurs). Ce serait dommage qu'on l'oublie, on est d'accord.