Avec l’arrivée du printemps, on pense inévitablement aux nouvelles récoltes de thé, et nous sommes souvent impatients de découvrir ce que la nature va nous offrir. Toutefois, il faut relativiser : l’engouement pour les cueillettes précoces donne aussi naissance à de nombreuses dérives, surtout dans le domaine des thés verts chinois, et des thés rouges (noirs) de Darjeeling, qui semblent, d’année en année, arriver chez les marchands de plus en plus tôt ! Il ne faut surtout pas croire que le théier puisse produire de délicieux bourgeons avant l’heure. La nature reste seule maîtresse. Et pour obtenir des thés de grande qualité, le théier a besoin d’un minimum d’ensoleillement pour se réveiller et se remplir d’une énergie nouvelle. Alors même si les producteurs sélectionnent des cultivars qui bourgeonnent le plus tôt possible, il leur faut un certain temps malgré tout.
Un thé plus précoce que ce que la nature permet, cache bien souvent une des dérives que j’évoquais plus haut. Par exemple, un thé vert chinois de l’année précédente, conservé sous vide au congélateur, peut tout à fait être présenté comme une récolte nouvelle et toute fraîche ! Il faut donc rester prudent, et bien connaître le climat des différentes zones de production. En Chine, dans les provinces de Zhejiang, Jiangsu, Jiangxi et Anhui, l’ensoleillement printanier permet des récoltes tôt dans la saison; les cueillettes débutent souvent aux alentours du 25 mars. On peut donc émettre de sérieux doutes, sur des récoltes datant d’avant le 20 mars. Dans ces provinces, en cette année 2013, le climat a été plutôt clément, et les récoltes ont débuté autour du 24 mars.
Le rythme du thé doit être respecté. Certes, les thés verts chinois des tous premiers jours de récolte printanière offrent une fraîcheur et une richesse aromatique incomparables. Ce n’est pas un hasard si les récoltes d’avant Qing Ming (fête de la Pure Lumière) sont les plus recherchées. Mais il est important d’avoir la patience que ces thés soient cueillis, fabriqués, et surtout stabilisés, car en effet, un thé qui vient d’être fabriqué ne révèle pas toutes ses forces, ni toutes ses faiblesses… Lorsque je goûte un thé qui sort juste de la fabrication, sa fraîcheur est telle, qu’elle occulte les autres caractéristiques. Il semble immature, alors que quelques jours plus tard, il se dévoile sous un nouveau jour. Et puis, on ne peut simplement pas acheter un lot de thé, juste parce qu’il a été cueilli avant le 5 avril. Faut-il encore qu’il soit fameux, vu les prix pratiqués. Ne tombons pas dans le piège du thé “précoce” à tout prix. Cultivons le discernement.
Notre société est pressé, on veut tout, tout de suite. Mais si “on laisse le temps au temps”, la vie se présente sous un nouvel angle et nos perceptions s’affinent. Nous pouvons choisir de ne pas tomber dans cette course effrénée et aveugle, que se soit pour le thé ou la vie en générale. Quoi qu’il arrive, le mois d’avril nous apportera son lot de délicieux thés nouveaux, dont nous pourrons nous délecter paisiblement, et sans précipitation.
8 commentaires sur “L’arrivée du printemps”
Fabien
Ah, les fameuses dates de récolte des Darjeeling First Flush ou des thés verts "primeurs" chinois et autres shincha japonais…
Merci à toi Charlotte d'ouvrir une porte sur ce débat, il y a pas mal de choses à dire c'est vrai. Comme en plus on parle de cultures très différentes (Europe et Asie par exemple) il y a plein de niveaux de compréhension qui peuvent nous échapper.
Par exemple le côté symbolique très fort des dates en Chine (Qing Ming ou Fête de la Pure Lumière par exemple, autour du 4 avril) fait que certains thés seront très recherchés (récoltes pré Qing Ming de Long Jing) même si, certaines années, la qualité intrinsèque est inférieure à celle de récoltes faites après Qing Ming.
Donc, de la modération, un soupçon de relativité et une once de bon sens ne font jamais de mal quand on parle des dates de récolte!
Ce n'est comme toujours que mon avis tout personnel 🙂
Charlotte Billabongk
En plus du côté symbolique, les dates de Qing Ming et Gu Yu, en ce qui concerne les thés verts chinois, permettent de donner des repères.
Et, oui, il y a beaucoup à dire sur ce sujet. Et comme tu le soulignes, le bon sens est de rigueur…
David
J'avoue que grâce aux nouvelles technologies de conservation (mise sous vide, atmosphère azotée, etc) je ne cours pas forcément après les primeurs, à part un certain Long Jing à qui je donne rendez-vous chaque année. Il faut dire aussi que les thés que je préfère en général sont des thés d'altitude qui sont cueillis un peu plus tard que les autres, ce critère de date ne m'émeut du coup pas plus que ça. L'essentiel est de toujours avoir sa tasse pleine j'imagine.
Charlotte Billabongk
J'aime déguster les thés verts lorsqu'ils sont frais, parce que, rien à faire, c'est vraiment spécial ! mais effectivement, la date de cueillette ne doit pas être le seul critère…
Encore une fois, je trouve cela quelque peu fatigant, lorsque des modes donnent naissance à des conneries. Non mais quand je vois certains vendeurs qui ont du soit disant Xi Hu Long Jing fraîchement cueilli au mois de février, je me bidonne.
Fabien
Du coup ça m'a donné un petit coup de pieds au c.. pour finir un article sur quasiment le même sujet. Article que je repoussais depuis un moment, merci Charlotte 😉
Charlotte Billabongk
La lecture des autres blogs donnent bien souvent de la motivation. C'est aussi pour cela que j'aime y consacrer du temps (même si cela n'est pas toujours facile !) Dès que je suis tranquille, je vais lire ton article attentivement…
Fabien
Oups… il fallait lire coup de pied (sans s) et non coup de pieds. Ca doit être effectivement beaucoup plus compliqué de donner un coup avec les deux pieds en même temps 🙂
Ah l'orthographe et la grammaire…
Charlotte Billabongk
J'aimais bien coup de pied avec un s, on aurait pu se croire dans un film chinois d'arts martiaux : un coup porté avec les deux pieds, nécessitant d'être suspendu dans les airs… Comme quoi, une petite faute peut avoir de bons côtés ! (imagination fertile, je sais) 🙂