Dans la province de Jiangsu, non loin de la ville de Suzhou est produit le très célèbre thé vert appelé “spirale de jade du printemps”, soit Bi Luo Chun, thé le plus emblématique de cette région. Dong Shan est réputée pour offrir l’une des meilleures qualités. Les théiers s’épanouissent dans une terre légèrement acide, au milieu de nombreux arbres fruitiers qui apportent une ombre bienfaitrice et contribuent à enrichir le terroir. On a vraiment l’impression qu’il y a autant d’arbres fruitiers que de théiers dans ce paysage. Le néflier reste l’arbre le plus emblématique de cette région puisque son fruit à chair blanche particulièrement parfumé et savoureux est connu dans toute la Chine pour sa qualité inégalable. De nombreux producteurs de Bi Luo Chun cultivent également ces fameux nèfles. Bref, leurs jardins de thé sont aussi des vergers où théiers et néfliers cohabitent en toute harmonie, offrant une grande richesse naturelle. Un environnement à la personnalité bien marquée, ce qui n’est pas sans conséquences sur le thé.
On ne peut évoquer Bi Luo Chun sans parler de Tai Hu, immense lac semblable à une véritable mer intérieure, mais dont la profondeur ne dépasse guère quelques mètres. Car ce sont bien sur les bords du lac et sur les îles-montagnes que prospèrent les théiers BLC. Il va sans dire que cet environnement riche et singulier contribue à la personnalité spécifique de ce thé vert. Voilà pourquoi (comme pour tous les crus), un authentique Bi Luo Chun, issu de son terroir particulier présentera des caractéristiques uniques et inimitables. Et, il est vrai que ce thé prisé est largement produit en dehors de son terroir d’origine. Boire le BLC d’un autre terroir doit pouvoir rester un choix, mais il ne faut pas s’attendre à rencontrer les mêmes caractéristiques, et surtout, il faudrait toujours en être informé au moment de l’achat (ce qui n’est malheureusement pas souvent le cas, bien au contraire). L’éducation du palais de l’amateur de thé passe aussi par la connaissance du goût du terroir original d’un cru, quel qu’il soit. Cela permet d’emmagasiner des références solides pour pouvoir déterminer, par exemple, si on a affaire à une copie. Car personne n’a envie d’acheter un Long Jing, un Bi Luo Chun, un An Ji Bai Cha, ou tout autre thé à prix d’or quand celui-ci n’est pas authentique. Sur le marché du thé, les crus produits en dehors de leur terroir d’origine, et non signalés comme tels sont légion ( pour prendre un exemple, il n’y a qu’à voir les quantités de Long Jing portant l’appellation Shi Feng vendus chaque année, alors que la zone de production est extrêmement limitée !) D’autre part, il s’avère tout aussi essentiel d’avoir en tête des références de différents niveaux de qualité pour un même thé.
Après la cueillette, les feuilles sont soigneusement triées. |
La fabrication de BLC est simple à priori: un grand chaudron (wok) chauffé dans lequel les feuilles sont roulées et séchées. Mais comme souvent avec les thés verts, la méthode s’avère pleine de subtilités. La cueillette tout d’abord constitue une étape clé dans la réussite du thé: elle doit être effectuée avec la plus grande délicatesse par des personnes qualifiées qui ne prélèvent qu’un bourgeon et une très jeune feuille, parfois deux. Vient ensuite un flétrissage court, dont la durée est calculée par rapport aux conditions météorologiques. Il y a aussi la maîtrise du feu, car pour le désenzymage et la cuisson d’ un BLC traditionnel, on utilise les braises d’un feu de bois dont l’intensité est savamment réglée. D’autre part, le geste qui permet le roulage des feuilles est d’une précision extraordinaire. Ce geste ancestral se réalise à main nue et à haute température. Lorsque le processus de fabrication est terminé, on prend soin d’examiner les feuilles une dernière fois pour retirer d’éventuelles petites brindilles ou feuilles trop grosses, etc…
Un théier audacieux ayant spontanément poussé les pieds dans l’eau, au monastère. |
La fabrication du thé nécessite à la fois de la poigne et de la délicatesse. Il est fascinant de voir les feuilles de thé se transformer, petit à petit, sous la main habile de l’homme. Et j’admire le savoir-faire et l’expérience de M.Yang (producteur de BLC) lorsqu’il travaille le thé. Parce qu’entre la chaleur du wok, et les feuilles qui deviennent toute collantes de leur suc, il faut vraiment avoir le coup de main pour arriver à quelque chose de bien ! Comme toujours lors de la fabrication du thé, les senteurs qui se dégagent semblent presque irréelles tant elles sont puissantes. D’ailleurs, la texture et le parfum des feuilles permettent de savoir s’il est temps de les retirer du wok. Les jardins de thé de M.Yang, ainsi que ses néfliers sont situés à Dong Shan sur le lieu-dit qui se nomme Bi Luo Chun. Tout près de l’habitation de M.Yang, se trouve un monastère bouddhiste (temple et nonnerie) où l’on cultive aussi du BLC. Le petit village, les théiers, les arbres fruitiers, le monastère, et la nature paisible donnent une atmosphère empreinte de mystère et de magie.
Il faut bien comprendre que la fabrication artisanale d’un thé, quel qu’il soit, représente un enchaînement de mouvements précis semblable à un art martial. La maîtrise et l’esprit de ceux qui travaillent le thé se retrouvent dans le résultat final, à savoir la liqueur que l’on boit.
On travaille le thé par toutes petites quantités. Et comme pour tout grand cru, on traite les feuilles tels des nouveaux nés, avec beaucoup de délicatesse. Car c’est bien de cette manière que l’on peut obtenir des thés vivants, pleins d’énergie et de finesse. Tout l’art de la fabrication du thé réside dans le respect des précieuses feuilles. La fabrication du thé est un art très minutieux.
La cueillette des BLC commence tôt dans la saison (généralement autour du 20 mars). Les thés des premières récoltes offrent finesse et subtilité, vigueur et force. En matière de BLC, ce sont ces spécificités que recherchent de nombreux amateurs chinois. Les jeunes pousses sont tendres et vigoureuses à la fois. Dans les jardins prestigieux (comme chez M.Yang par exemple), on n’effectue une seule récolte par an, celle de printemps, souvent sur de vieux théiers (de 50 à 400 ans) dont on préserve ainsi l’intégrité. En Chine, on sait que pour que le théier donne le meilleur de lui même, il faut éviter de l’épuiser avec de trop nombreuses récoltes dans l’année.
Un beau BLC se démarque par sa toute petite feuille torsadée, d’un vert franc, et recouverte de fin duvet argenté. Insistons d’ailleurs sur le fait que ce thé est particulièrement duveteux, ce qui lui confère une très onctueuse texture en bouche. La préparation dans un verre est vivement conseillée pour pouvoir admirer ces fameux duvets en suspension (d’une extrême beauté dans un rayon de soleil). La liqueur est dense, et dévoile un parfum tendre et floral, une saveur douce et puissante à la fois, délicatement fruitée (souvent des notes d’agrumes). Les feuilles infusées sont d’un vert tendre; on les retrouve telles qu’elles étaient avant même d’être cueillies. Il faut parfois du temps pour apprivoiser le Bi Luo Chun, tant au niveau de la préparation que de la dégustation. On pourrait dire que ce n’est pas un thé “facile”. Cependant, lorsqu’il est réussit et dégusté sereinement, c’est une pure merveille, un trésor d’onctuosité qui persiste très longtemps.
Suzhou, ville des lettrés, connue pour ses somptueux jardins. |
4 commentaires sur “Bi Luo Chun, fabrication et autres considérations…”
David
Merci pour cette superbe présentation. J'ai un excellent souvenir de celui que tu avais déniché l'année dernière et j'ai hâte de découvrir ce nouveau millésime. Bien d'accord avec le duvet, pour en avoir manipulé pas mal, ça volait de partout. Un vrai bonheur !
Charlotte Billabongk
Ah oui, le duvet du BLC, c'est quelque chose !
En tout cas, la version 2014 vient du même producteur que l'année dernière (M.Yang, donc). C'est intéressant d'observer les différences d'une année sur l'autre.
Unknown
Bonjour,
Je suis à la recherche d un vrai BLC, pouvez vous peut-être m indiquer un revendeur fiable. J'ai trouvé un Anji bai cha pré primeur incroyable chez Nana Ding, une parcelle familiale. Merci d avance..
Charlotte Billabongk
Bonjour Celima Labied,
Excusez cette réponse tardive, mais je n'avais pas vu votre commentaire. Si vous recherchez certains thés, vous pouvez m'envoyer un email : charlotte.billabongk@gmail.com
Merci