Pour pleinement profiter de la délicatesse et du raffinement des thés verts Ming Qian (récoltés avant la Fête de Qing Ming aux alentours du 5 avril), une chose est essentielle : choisir un moment de tranquillité, propice à la concentration. Il faut prendre soin de ces thés, les choyer pour ne pas les brusquer et leur permettre de délivrer toutes leurs subtilités. La méthode de préparation idéale, est quant à elle très simple. Il suffit d’un verre (ou un gaiwan de grande taille pour pouvoir aisément boire directement dedans) et d’une eau pure bien chaude (disons à 90°C environ). Mais reprenons depuis le début, étape par étape.
1°) Observer les feuilles sèches. Prendre le temps nécessaire pour ce premier contact. Néanmoins, il faut savoir qu’ en Chine, le parfum des feuilles sèches ne revêt pas une importance capitale (surtout quand il s’agit de juger le thé), car on s’attardera sur le parfum lors des étapes suivantes. Le parfum des feuilles sèches ne permet pas de déterminer le niveau de qualité du thé, il peut parfois même être trompeur.
2°) Réchauffer le verre avec un peu d’eau bien chaude. Jeter cette eau. Prendre une certaine quantité de feuilles (selon les goûts bien sûr, mais il ne faut pas trop lésiner) et délicatement les déposer dans le verre. Sentir les feuilles au contact de la chaleur.
3°) Recouvrir les feuilles d’eau en versant sur la parois du verre, jamais directement sur les feuilles elles-même. Délicatement faire tourner le verre pour bien humidifier les feuilles. Sentir à nouveau. C’est vraiment à ce moment-là que l’on peut s’imprégner du parfum du thé.
4°) Verser l’eau jusqu’aux 3/4 du verre, toujours sur la parois. La méthode de verse la plus utilisée pour ces thés verts est : “l’eau qui descend de la montagne”, qui consiste à s’éloigner un peu du récipient lorsque l’on verse (mais pas comme pour faire du thé à la menthe !). Cela fait légèrement rouler les feuilles dans le verre. Avec un gaiwan, ne pas utiliser le couvercle immédiatement (cela aurait pour effet de “cuire” les parfums et arômes). S’en servir uniquement pour repousser et filtrer les feuilles au moment de boire.
5°) Observer les feuilles qui se développent et infusent paisiblement. Ce balai aquatique est un véritable plaisir pour les yeux. Les jeunes pousses redeviennent telles qu’elles étaient sur le théier avant d’être cueillies. Un véritable concentré de nature verdoyante, dans laquelle on peut tout simplement s’abandonner. Observer les couleurs, les détails qui apparaissent sur feuilles et bourgeons, les duvets en suspension, etc…
6°) Déguster. Savourer. Profiter des nuances, des textures, et des sensations.
7°) En règle générale, on peut pratiquer 3 infusions, parfois plus avec certains crus (ces thés ne sont pas travaillés dans le but d’obtenir un grand nombre d’infusions). Tout au long de la dégustation, ne pas oublier de profiter de la beauté des feuilles. Ne pas hésiter à se plonger dans la contemplation. Observer l’évolution des saveurs, de la texture, de la longueur en bouche et dans la gorge.
Exceptions : Pour le Bi Luo Chun, il faut d’abord verser l’eau chaude jusqu’aux 3/4 du verre, puis délicatement déposer les feuilles en pluie à la surface de l’eau. Elles tombent directement au fond du verre en libérant de fines bulles. Pour le Long Jing, à l’étape n°4, on peut pratiquer la verse selon les “trois inclinaisons du phoenix”, geste qui permet vraiment de faire rouler les feuilles et de libérer les saveurs au maximum. Mais c’est un geste difficile à maîtriser.
Avec les thés verts chinois, il est important de se sentir proche des feuilles pour pouvoir les admirer, les sentir, etc… Cette méthode de préparation simple demande pourtant une grande précision pour obtenir le meilleur des jeunes feuilles. Dans l’art du thé, on prête une grande attention à chaque étape de la préparation. Les choses les plus simples sont parfois les plus délicates à maîtriser. Au moment de la dégustation, l’état d’esprit dans lequel on se trouve reste déterminant.
Lorsque les spécialistes chinois jugent ce genre de thés, l’aspect visuel et le parfum ont autant d’importance que le goût ou la longueur en bouche. Aussi, l’observation des feuilles infusées est très minutieuse car elles révèlent de nombreux détails concernant la cueillette, les conditions météo, etc…
Encore une fois, il faut prendre le temps pour apprécier chaque détail, savourer chaque instant offert par la dégustation. Sinon, on a de grandes chances de complètement passer à côté de la subtilité et du raffinement des thés verts Ming Qian.
Personnellement, il m’arrive de laisser vagabonder mon esprit lorsque je vois les minuscules duvets délicatement suspendus dans le verre, et illuminés par un rayon de soleil. Je pense aux lettrés d’autrefois qui appréhendaient le thé et la vie avec poésie, et qui faisaient de la beauté et l’harmonie une priorité absolue dans la vie quotidienne.
Une dégustation de thé réussie peut vous amener à un moment de pur extase poétique, ici et maintenant.
2 comments
vacuithe
Splendide. Ces photos de l'Anji Bai Cha dansant dans ton verre me fascinent et me font saliver !
Merci ^.^
Charlotte Billabongk
Il est dans le genre magnifique cet Anji Bai Cha ! Un régal pour tous les sens…